Pourquoi l’autonomie semencière est-elle cruciale pour l’autonomie alimentaire ?
Aucune transformation écologique de l’agriculture n’est envisageable sans la maîtrise locale, par les paysans, de la sélection des semences. Les changements climatiques sont toujours plus prononcés et chaotiques, ce qui exige d’adapter régulièrement la diversité variétale des cultures. Or les droits d’usage des paysans sur leur semence, de les reproduire, les multiplier, les échanger, les vendre, sont menacés par des cadres normatifs des semences industrielles (catalogue, droit de propriété COV et brevet…). Les variétés paysannes traditionnelles sont aussi dénaturées par les plantes génétiquement manipulées et brevetés (OGM) du commerce. Les organisations paysannes travaillent à reconstruire des droits collectifs et des systèmes semenciers autonomes pour protéger leurs semences et faire évoluer leurs plantes selon leurs besoins.
La véritable nature d’une semence paysanne
Lorsqu’on parle de ‘semence paysanne’ il faut distinguer deux choses :
- la semence paysanne issue d’une variété locale et renouvelée comme un patrimoine collectif ;
- et la semence paysanne qui est une variété issue de la sélection dans une station de recherche et reproduite dans les champs de paysans.
Pourquoi ?
D’une part parce qu’il y a une différence de nature. Aujourd’hui les sélections de la recherche poussent de plus en plus vers l’obtention d’hybrides, de lignées pures ou même d’OGM. Il existe beaucoup de biotechnologies dans les sélections actuelles, que ce soit la transgénèse, le sauvetage d’embryon, la fusion de protoplastes ou encore la mutagénèse qui sont toutes des techniques de laboratoire. Les variétés issues de ces technologies ne sont pas toujours qualifiées de “génétiquement modifiées”, mais elles ne sont ni “naturelles” ni à la portée du paysan.
D’autre part, parce qu’elles n’ont pas le même statut juridique. La recherche publique n’a plus les moyens de soutenir des programmes autonomes et les sélections se font en partenariat avec le secteur privé. Et sur chaque variété sortie d’un laboratoire privé, il y a un droit de propriété intellectuelle (brevet, certificat d’obtention ou droit de marque) qui limite les droits des paysans à ressemer leur récolte sans verser de royalties. Et le risque aujourd’hui est qu’on confonde ces semences de variétés de la recherche que les paysans semenciers multiplient comme le voudrait le système officiel et qu’on les appelle “semences paysannes” sous prétexte qu’elles ont été multipliées dans les champs de paysans, alors qu’elles sont d’une nature différente et ont un statut différent de celui des semences paysannes qui sont elles issues de variétés locales et de la sélection paysanne avec un statut de droit collectif.